- Pouvez-vous en quelques mots me raconter votre histoire? votre travail? votre famille?
C'est bien long 63 ans d'histoire. Mais globalement, j'ai grandi à Villers Pol, petit village près de Le Quesnoy. Mon père était boulanger patissier et ma maman travaillait avec lui. J'ai vite appris la valeur du travail, la satisfaction du travail bien fait et le bonheur de papa de « donner à manger aux gens ». Si le pain manquait l'après midi, il en recuisait... quand on sait qu'il fallait plusieurs heures pour un pain bien fait, bien cuit !!!
J'ai baigné dans une maison où on priait le soir. Particulièrement Sainte Thérèse, la copine de mon papa. Une famille où on ne manquait jamais la messe du dimanche. Si je n'étais pas en forme le dimanche matin, il n'était pas question de sortir de la maison l'après midi, si je me sentais mieux... sauf pour aller rendre visite à mes grands parents habitant le village.
J'aimais l'école, j'aimais apprendre. J'ai cependant eu du mal à m'adapter au collège... je n'avais pas eu l'habitude de quitter, même pour la journée seulement, la maison et une maman très présente, très aimante.
Mais je me suis guérie de cet inconvénient et finalement passé mon bac et fait une année d'étude à Lille puis un BTS d'assistante de direction à Valenciennes, pour, ensuite devenir la collaboratrice de la patronne de la maison du cuir... une maroquinerie où j'ai appris beaucoup aussi, dans un climat de confiance, un climat familial où il y avait 3 enfants qui m'ont donné envie d'avoir des enfants !
C'est alors que j'ai rencontré l'homme de ma vie, Jean Pierre. Et avec lui, nous avons eu trois merveilles. J'ai pris le temps de leur donner du temps : pendant 17 ans, j'ai cessé toute activité salariée... mais je n'ai pas cessé d'être active : à la maison, bien sûr mais aussi à la paroisse, à l'ACE... à l'association de parents d'élèves à l'école du village puis au collège et au lycée.
Et enfin, avec Jean Pierre nous avons rejoint une équipe CMR, nous avons suivi la formation « Année de formation rurale » : cette formation a ouvert des horizons. C'est ainsi que je suis devenue « permanente CMR » puis adjointe du délégué diocésain de l'apostolat des Laïcs et enfin déléguée de l'Evêque auprès des mouvements et associations de Fidèles. 21 années qui m'ont transformée, construite, qui m'ont fait grandir en humanité et dans la foi.
Me voici à la retraite de cette mission ! mais je reste encore quelques temps au conseil épiscopal où le Père Garnier m'a appelée en 2011. Avec son conseil épiscopal de l'époque, il m'a fait confiance, une confiance qui m'a donné des ailes, je crois. Je reste aussi proche de la maison du diocèse que j'aime et que je continuerai de servir jusqu'au départ de notre Archevêque en novembre prochain.
> - Dans votre parcours quels ont été vos nuages? quels ont été vos rayons de soleil?
Les nuages on les oublie. J'ai vécu toujours avec la foi et la conviction que ce que je faisais, à l'instant où je le faisais était la bonne solution... j'ai la chance de ne pas connaître les regrets.
Mais quand même : lors des 17 ans de « maman à la maison », j'ai souvent souffert du regard de celles et ceux qui travaillent... parfois je me suis sentie « inutile ». La relecture m'a permis de me rendre compte des fruits de ces années, de la présence de Dieu dans cette vie là !
Les rayons de soleil : en premier la famille, celle que j'ai connue avec bonheur à la boulangerie puis celle que j'ai construite avec Jean Pierre. Ma mission est un rayon de soleil : j'ai rencontré tant de gens extra ordinaires dans le sens fort du terme. Des gens convaincus et convaincants. Des prêtres qui m'ont éclairée : je dois citer en premier Henri Pierre et André. Ils m'ont vraiment accompagnée. Puis Jean Marc, le Père Garnier et toute l'équipe fraternelle du conseil épiscopal. J'ai eu la chance de côtoyer de près des personnes d'horizons différents et c'est cela qui enrichit.
> - Quelle place y a la foi?
Dois je répondre à cette question ? La foi est dans mon ADN... depuis ma naissance. Je crois que j'ai atteint une foi adulte aujourd'hui... à 63 ans heureusement !
J'ai eu des moments de doute et je sais que ces moments sont normaux et même bénéfiques. Ils sont la preuve que la foi est lié à la raison.
> - Aujourd'hui, décrivez-nous une de vos journées.
Depuis deux jours, je suis à la retraite... alors je suis cool !
Sinon, les journées étaient partagées entre le bureau à la maison du diocèse, les rencontres dans cette même maison, les réunions ici ou là dans le diocèse, les rendez-vous et les nombreuses rencontres imprévues dans mon bureau toujours ouvert ou dans les couloirs de Raismes. Le dimanche, c'est le jour des mamans : la mienne et celle de Jean Pierre. Elles viennent déjeuner à la maison et nous avons des discussions très intéressantes sur la vie, sur la foi...
> - Quelles sont vos joies et vos difficultés en famille, dans votre travail? dans votre lieu de vie? dans l'Eglise?
Mes joies en famille : j'ai un mari attentif et aimant. Il est heureux à l'idée que je serai un peu plus souvent avec lui. J'ai des enfants bien campés dans leur vie. Ils savent qui ils sont, d'où ils viennent et construisent leur vie de belle manière. Ce qui m'attriste est que nous n'ayons pas réussi à les embarquer dans nos engagements. Xavier a fait de l'ACE, Pauline du MRJC... mais la messe du dimanche c'est de temps en temps... Je me souviens alors d'Henri Pierre : « ce n'est pas à toi de juger de la foi des tes enfants. » C'est vrai, Dieu connait toute chose et je sais que nos enfants ont grand cœur, qu'ils sont toujours prêts à la solidarité et à la fraternité. Cela me réjouit.
> - Quels seraient vos rêves en famille? au travail? au village? dans l'Eglise?
Je rêve d'avoir des petits enfants. Jean Pierre encore plus que moi je crois ! Je sais aussi que Dieu écoute ma prière et que si cela doit être, cela sera ! Je rêve pour mes filles, qu'elles puissent construire une famille elles aussi. Mais elles n'ont pas encore trouvé le papa de leurs enfants. Pour cela aussi je fais confiance au Seigneur. Et confidence : notre pèlerinage à Lourdes c'est pour remercier Marie et lui confier notre prière pour nos enfants.
Anecdote essentielle concernant Lourdes. En 1979, je suis allée à Lourdes avec mes parents et j'ai prié de toutes mes forces Marie pour qu'elle demande au Seigneur de me permettre de construire une famille, s'il m'en sentait digne. En même temps, Jean Pierre, chez lui, pensait que je pourrais bien être celle qui serait la « femme qu'il attend » : nous nous étions déjà rencontrés, lors de la messe de première communion de sa petite sœur... il trouvait que j'avais une jolie voix mais la rencontre n'est pas allée très loin. Je suis sûre de l'action de Marie. D'ailleurs c'est le 15 août de la même année que Jean Pierre est venue acheter une baguette à la boulangerie... sans savoir que le magasin est fermé les jours de fêtes religieuses (mon papa n'a jamais voulu travailler le dimanche). Bref, il n'a pas eu de baguette mais mon père, malin, l'a invité à prendre l'apéro ! Et voilà comment je suis devenue Marité COLPART et non plus MICHEL, de mon nom de jeune ville.
Je rêve aussi d'une Eglise qui reste ouverte, accueillante, écoutante. Une Eglise qui cherche à comprendre avant de juger, qui guide avec tendresse et bienveillance. Cette Eglise je la connais. Je la côtoie chaque jour.
> - Qu'est-ce qui donne sens à votre vie? quel est votre devise favorite? Qu'aimeriez vous dire d'important à un jeune chrétien?
Ce qui donne sens à ma vie c'est de vivre. Tout simplement. Avec ma famille. De gouter chaque jour que Dieu me donne.
Ma devise favorite est une Parole de l'Evangile que nous prononçons à chaque messe : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une Parole et je serai guérie ». Et lorsque je dis : « je serai guérie », je pense à tous ceux qui, comme le serviteur du centurion ne connaissent pas forcément Jésus mais qui bénéficient de l'intervention d'un croyant qui n'en n'a pas l'air (un centurion !) Jésus a compris cela... il a guéri le serviteur du centurion parce que la foi de ce dernier est pure, vraie et profonde. A un jeune chrétien je dirais cela : ta foi peut sauver ceux qui ne connaissent pas encore Jésus !
> - Quelles rencontres voudriez-vous voir proposées par Le Vivier? sous quelles formes? sur quels thèmes?
>Je fais confiance au Vivier pour trouver les thèmes qui rejoignent les questions de nos contemporains. Pour l'instant mon esprit a besoin d'aération... et les idées ne viennent pas spontanément. Je promets d'y réfléchir.